Les péripéties de Hakim et Yasmina : un combat d’humanité
Depuis plus d’un mois, la Fédération de Tunisie a contacté Hakim et Yasmina pour représenter leur pays lors d’une compétition internationale.
Pour Hakim, c’est plus qu’un projet sportif. C’est un rêve. Un rêve qu’il porte depuis plus de dix ans. Un objectif qui l’anime, le pousse, le fait tenir. Chaque jour, il s’y accroche avec rigueur, passion et une détermination sans faille.
Ce n’est pas une médaille qu’il vise. C’est le droit de participer, de vivre cette expérience unique, d’être là, comme tous les autres athlètes, sur le terrain, dans l’effort, dans la joie du jeu.
Hakim s’est préparé avec sérieux : préparation mentale, entraînements physiques intenses, travail sur le corps, sur l’endurance, sur la résistance. Tout était aligné. Et enfin, cette opportunité se présentait à lui.
Après discussion avec notre club, nous avons accueilli cette nouvelle avec fierté.
C’était son projet, son rêve, et notre rôle était clair : l’accompagner, le soutenir, l’honorer.
Tout était prêt.
Les billets étaient réservés. Les bagages préparés. Le matériel rangé. Les rampes chargées. Les balles embarquées.
L’équipe tunisienne de Boccia monte à bord à 22h. Prête au départ.
Sauf Hakim.
À la dernière minute, le pilote refuse l’embarquement.
Pourquoi ?
Parce qu’il y aurait « trop de fauteuils ». Parce que le fauteuil de Hakim est trop encombrant, trop lourd.
Une excuse. Une peur infondée. Une absurdité.
Yasmina, son accompagnante, cherche à comprendre.
Mais la seule réponse obtenue :
> « On a peur. »
Peur de quoi ? Silence.
Et comme si cela ne suffisait pas, la barrière de la langue s’ajoute. Yasmina parle marocain, pas tunisien. La communication est brouillée. Heureusement, la sœur de Hakim est là. Elle joue le rôle de médiatrice entre Hakim, Yasmina et les autorités de l’aéroport.
Pendant ce temps, toute l’équipe décolle.
Et Hakim et Yasmina restent là.
Seuls.
Seuls face à l’injustice.
Seuls face à l’humiliation.
Seuls face à l’absurde.
La Fédération Handisport réagit rapidement. Une personne est envoyée en urgence pour les rejoindre, les soutenir, tenter de débloquer la situation.
Après des heures d’attente, un espoir : un autre vol, mais avec escale.
Problème : le matériel médical d’Hakim est déjà dans l’autre avion, avec l’équipe.
Sans ce matériel, l’escale devient trop risquée.
Yasmina reste lucide, digne. Malgré la fatigue et la tension, elle prend les bonnes décisions, avec calme et intelligence.
Un autre vol est finalement proposé pour le lendemain matin.
Mais il n’y a qu’une seule place.
Et Hakim ne partira jamais sans Yasmina.
Ils rentrent, logés chez la famille de Hakim.
Un logement pas du tout adapté, mais la famille fait ce qu’elle peut.
Hakim dort dans le salon. Yasmina s’organise, ajuste, veille.
Ils affrontent, ensemble, une tempête de plus.
Le 28 juillet, 9h.
Nouveau départ. Nouvel espoir.
Cette fois, deux places.
Yasmina démonte de nouveau le fauteuil, pour la seconde fois.
C’est lourd, fastidieux, mais on y croit.
Mais non.
Encore une fois, le couperet tombe.
> « Non, monsieur ne peut pas embarquer. »
Pourquoi ?
D’abord, les batteries du fauteuil.
Puis, ensuite, sa trachéotomie.
Pourtant, un certificat médical clair, signé par son médecin en France, précise que tout est conforme, que Hakim est apte à prendre l’avion.
Mais rien n’y fait.
Les agents refusent d’écouter.
Refusent de comprendre.
Refusent de faire confiance à l’expertise médicale.
> « Il doit voir un médecin ici, en Tunisie. »
À une heure du vol.
C’est inacceptable.
C’est cruel.
C’est un mépris total de la réalité.
Hakim et Yasmina se regardent.
Ils prennent deux minutes.
Deux minutes pour respirer.
Deux minutes pour décider.
Deux minutes pour rester dignes.
Et ils font un choix.
Un choix difficile.
Mais un choix de paix intérieure.
> Ils décident de ne plus continuer cette bataille.
Parce qu’à chaque étape, on leur demande de justifier leur présence, leur corps, leur droit d’exister.
Et ils savent que si on accepte ça une fois, on l’acceptera toujours.
Alors oui, les larmes coulent.
Les visages sont crispés.
Les cœurs sont brisés.
Un rêve s’écroule.
Un objectif s’arrête.
Deux êtres sont anéantis.
Et moi, à distance, j’essaie de les accompagner.
De les écouter. De les soutenir.
Mais la vérité, c’est que la force, la vraie, elle est en eux.
Ils nous donnent une leçon immense.
Ils nous prouvent que, même dans la pire des épreuves, à deux, on est plus fort.
Que même dans l’inhumanité, il faut rester humain.
Ils repartent de l’aéroport.
Le fauteuil est remonté, une fois de plus.
Un hôtel leur est réservé, pour qu’ils puissent enfin se reposer.
En tant que présidente de M et la Boccia, je prends la parole.
Je dénonce fermement et publiquement l’attitude de la compagnie Tunisair et de la compagnie Egyptair.
Je dénonce leur inhumanité.
Leur mépris. Leur rigidité. Leur incapacité à faire preuve de bon sens et de respect face au handicap.
Hakim ne représente pas un danger.
Hakim est un athlète.
Un représentant.
Un citoyen.
Un homme debout, dans son fauteuil.
Et Yasmina, c’est la colonne vertébrale invisible. Celle qui porte, qui organise, qui veille.
Elle est l’ombre solide dans cette histoire.
Elle est un pilier.
🙏 Je tiens à remercier sincèrement la Fédération Handisport Tunisienne, qui a tout mis en œuvre pour tenter de débloquer cette situation. Votre présence, votre implication ont été précieuses.
👏 Et surtout, je rends hommage à Hakim et Yasmina.
Votre force, votre dignité, votre courage forcent le respect.
Vous êtes des modèles.
💔 Ce qu’on leur a fait subir est inacceptable.
Mais ce qu’ils ont montré en retour est grandiose.
👉 Ce récit est un appel.
Un appel à toutes les compagnies, à toutes les fédérations, à toutes les institutions :
Revoyez vos pratiques. Changez vos regards. Formez vos équipes. Humanisez vos décisions.
Le handicap n’est pas une faiblesse.
C’est le monde qui, parfois, choisit de ne pas être à la hauteur.
✊ Aujourd’hui, on ne demande pas la pitié.
On demande le droit.
Le droit de vivre, de voyager, de concourir, de rêver.
Le droit d'exister
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